Pour une organisation équilibrée et en réseau de la carte française d’enseignement supérieur et de recherche

Réflexions de l’AVUF au moment où la Loi de Programmation de la Recherche est sur le point d’être adoptée

Communiqué du 9 novembre 2020

Depuis plusieurs mois, le gouvernement, en lien avec différents partenaires du système national d’enseignement supérieur et de recherche (ESR) prépare une loi de programmation de la recherche (LPR). Plusieurs volets composent cette loi, parmi lesquels le financement et l’évaluation de la recherche ou encore la revalorisation et la promotion des carrières scientifiques. Même si l’AVUF se réjouit le l’adoption d’amendements reconnaissant les collectivités territoriales comme partenaires explicites de la recherche (à côté des entreprises), elle souhaite apporter un point de vigilance à la traduction territoriale de ce texte.

Portant une ambition budgétaire conséquente, ce projet de LPR constituait une opportunité pour  un rééquilibrage des moyens entre les différents pôles universitaires. Or le texte finalisé présente très peu de vocabulaire géographique ou territorial ; ignorant ainsi la nécessité d’un aménagement de la carte française d’enseignement supérieur et de recherche.

Après une politique ambitieuse de territorialisation de l’ESR (plans U2000 et U3M), qui s’est traduite par la création d’universités nouvelles, d’IUT et d’antennes dans des villes petites et moyennes, nous assistons depuis près de 20 ans à une trajectoire de concentration des moyens publics de recherche et de l’enseignement supérieur au profit d’un très petit nombre de sites. Alors que le principe de dotations récurrentes peut permettre de sécuriser l’ensemble des sites universitaires proportionnellement à la taille qu’ils représentent, le basculement progressif vers une logique d’appel à projets a acté le principe de mise en concurrence des sites, dans un souci de compétitivité. Couplée à la croyance d’un effet taille ou masse critique, elle produit une concentration des moyens dans quelques pôles, qui ont vocation à être compétitifs à l’échelle internationale. Les programmes d’investissements d’avenir (PIA) – dont les initiatives d’excellence (Idex) – sont une manifestation nette de cette tendance à la concentration des moyens.

Pourtant, dans le cadre d’un travail scientifique d’analyse des dynamiques territoriales de la recherche en France de 1978 à 2017 (Grossetti et al., 2020 ), des sociologues et géographes français ont montré que la croyance selon laquelle l’excellence passait par la concentration ne résiste pas à l’épreuve des faits. La participation des villes françaises à la production scientifique nationale dépend strictement de leurs effectifs de recherche en équivalent temps plein.

En qualité d’association de collectivités locales, nous soutenons une organisation du système d’ESR équilibrée, avec des sites de différentes tailles connectés en réseau. C’est la meilleure façon pour assurer un accès à l’enseignement supérieur et une vie étudiante de qualité, et garantir une diversité des innovations et un dynamisme des écosystèmes régionaux. Comme pour la recherche, il se révèle en effet que l’enseignement dispensé dans les villes et agglomérations moyennes concourt non seulement à la démocratisation de l’accès aux études supérieures mais aussi à la réussite de jeunes dont la situation sociale n’aurait pas permis qu’ils suivent leur cursus dans une métropole.

C’est la raison pour laquelle, aux côtés de l’Etat, nos collectivités apportent des financements importants au fonctionnement des sites, y compris au soutien à la recherche quand elle y existe, et à la réalisation de thèses. L’ESR est d’ailleurs un sujet important dans les projets en cours de coopérations entre métropoles et autres villes universitaires et l’AVUF engage d’ailleurs des travaux pour faire émerger une logique d’alliances des territoires.

La concentration croissante dans quelques sites risque de créer des inégalités d’accès aux formations et des phénomènes de congestion qui impacteront négativement la qualité de vie étudiante dans les métropoles. De plus, la présence d’établissements d’ESR dans des sites non métropolitains est source de dynamisme, non seulement pour le marché local du travail et le transfert de connaissances auprès d’entreprises locales, mais aussi pour accélérer la coopération entre équipes de recherche et collectivités territoriales : ces coopérations sont indispensables à l’innovation publique et aux transformations que les services publics doivent mener à bien pour répondre aux défis sociétaux. Enfin, ne pas participer à un rééquilibrage de la distribution spatiale des moyens alloués à notre système d’ESR, c’est prendre le risque de renforcer le sentiment d’éloignement des citoyens dans un contexte de régions étendues.

Dans un pays développé comme le nôtre, ne nous laissons pas convaincre qu’il faille choisir entre « excellence internationale » et « proximité territoriale », mais donnons-nous les moyens de l’excellence de proximité, sur l’ensemble de notre pays.

2023-10-24T09:49:36+02:00
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